Un soir qu'au bar d'en bas de chez moi J'astiquais le comptoir Appliqué comme une peau de chamois Je reluque au fond une tablée de fêtards Ils sont moches comme des culs Mais vont quand même par paires Faut croire qu'il y a de l'espoir Une seule paraît perdue Assise en bout de table Elle a mis des talons Et beaucoup de talent Dans une tenue potable Elle a fait ce qu'elle a pu C'est con, y a pas moins désirable Qu'une fille qui n'y croit pas Et elle, elle y croit plus Elle fixe le centre de la conversation Elle aimerait tant y être Faire rigoler ses potes serait la consécration Elle fait penser à ces mémés Penchées à leur fenêtre Qui se tordent le cou pour pas manquer l'action Elle sent l'instant, elle va se lancer Puis elle se lance plus Son manque d'audace, c'est sa malédiction Ou c'est l'instinct Elle a pensé qu'on serait déçu Si elle oubliait sa place Elle qu'on accepte qu'avec modération Moi je t'ai vue Flotter dans la ville Diaphane comme une âme défunte Je te promets que j'ai lu Dans ton regard tranquille La rancœur presqu'éteinte De ceux qui ne sont jamais vus Et ne laissent aucune emprunte On leur rapporte à boire Le garçon s'est trompé Faut dire qu'il est bien tard Le type, il est vanné Tu serais venu à 20h Ou mieux il y a 20 ans T'aurais vu un vainqueur Mais à cette heure-là Le poste il est vacant Il taffe dans ce rade Depuis on sait pas quand Mal sapé, un peu crade Mais il a l'air pas con Il voulait faire l'acteur Paco Serveur c'était de l'alimentaire Mais le temporaire parfois Ça tourne au permanent A la table on s'irrite « Monsieur c'était une bière Pas une Margarita » Anxieux, ils vivent l'enfer Comme si le contenu de leur verre Allait leur coûter l'Amérique Aussi brillants qu'une brique Bruyants comme des criquets La seule un peu stoïque C'est l'oubliée du bout Elle moufte rien du tout Mais elle a l'air troublée Elle a reconnu dans les yeux du serveur La même peur pathétique De traverser la vie sans avoir rien été... Je voulais lui dire poulette Te soucie pas tellement Croie-le ou pas on est plein à connaitre Ce foutu sentiment Qu'on s'est fait chier à naître Rien qu'pour se faire Mastiquer par les éléments Suffit de laisser l'immensité Te rincer les mirettes Tu le trouveras ton talent Déjà, j'ai observé Paco Pendant qu'il te servait ton a**iette : T'as peut-être trouvé ton prince charmant