Quand j' pa**' triste et noir, gn'a d' quoi rire Faut voir rentrer les boutiquiers Les yeux durs, la gueule en tir'lire Dans leurs comptoirs comm' des banquiers J' les r'luque : c'est irrésistible Y s' caval'nt, y z'ont peur de moi Peur que j' leur chopp' leurs comestibles Peur pour leurs femm's, pour je n' sais quoi Leur conscienc' dit : « Tu t' soign's les tripes Tu t' les bourr's à t'en étouffer Ben, n'en v'là un qu'a pas bouffé ! » Alors dame ! euss y m' prenn'nt en grippe ! Alors dame ! euss y m' prenn'nt en grippe ! Gn'a pas ! mon spectr' les embarra**e Ça leur donn' comm' des remords : Des fois, j' plaqu' ma fiole à leurs glaces Et y d'viennent livid's comm' des morts ! Du coup, malgré leur chair de poule Y s' jett'nt su' la porte en hurlant : Faut voir comme y z'ameut'nt la foule Pendant qu' Bibi fout l' camp « - Avez-vous vu ce misérable » « Cet individu équivoque ? » « Ce pouilleux, ce voleur en loques » « Qui nous r'gardait croûter à table ? » « Ma parole ! on n'est pus chez soi » « On n' peut pus digérer tranquilles… » « On paye l'impôt, gn'a des lois ! » « Qu'est-c' qu'y font, les sergents d' ville ? » J' suis loin, que j' les entends encor : L' vent d'hiver m'apport' leurs cris aigres Y piaill'nt, comme à Noël des porcs Comm' des chiens gras su' un chien maigre ! Pendant c' temps, moi, j' file en silence Car j'aim' pas la publicité Oh ! j' connais leur état d' santé Y m' f'raient foutre au clou… par prudence ! Comm' ça, au moins, j'ai l' bénéfice De m' répéter en liberté Deux mots lus su' les édifices : « Égalité, Fraternité » « Égalité, Fraternité », « Égalité … » Souvent, j'ai pas d'aut' nourriture : (C'est l' pain d' l'esprit, dis'nt les gourmets) Bah ! l'Homme est un muff' par nature Et la Natur' chang'ra jamais Car, gn'a des prophèt's, des penseurs Qu'ont cherché à changer l'Homme Quoi qu'y z'ont fait, en somme De c' kilog d' fer qu'y nomm'nt son Cœur ? Rien de rien… même en tapant d'ssus Ou en l' prenant par la tendresse Comm' l'a fait l'aut' Seigneur Jésus Qui s'a vraiment trompé d'adresse Aussi, quand on a lu l'histoire D' ceuss' qu'a voulu améliorer L' genre humain…, on les trait' de poires On vourait ben les exécrer On réfléchit, on a envie D' beugler tout seul « Miserere » Pis on s' dit : Ben quoi, c'est la Vie ! Gn'a rien à fair', gn'a qu'à pleurer On réfléchit Pis on s' dit : Ben quoi, c'est la Vie ! Gn'a rien à faire, gn'a qu'à pleurer