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Dès l'introduction (c'est le cas de le dire), on sait cash qu'on a ici à faire à un pamphlet tout en finesse. Mais c'est la loi du genre : le rap, utopie urbaine devenu marché de ma**e aux États-Unis puis en France, est loin d'être à l'abri des critiques. Les pa**ions qu'il suscite sont d'une intensité à la hauteur de ses prétentions révolutionnaires, lyriques et commerciales. Alors 180 pages pour démonter une "effroyable imposture", au-delà de ce titre pute en bas résilles et rouge à lèvres gras, pourquoi pas. On poussera même la mansuétude jusqu'à ne pas considérer comme éliminatoire la proximité idéologique d'Alain Soral, fondateur de la maison d'édition publiant ce livre, cabri politique slalomant du PC au front national qui fustige le communautarisme et se revendique "nationaliste de gauche". "Faire l'autruche, la meilleure position pour se faire enfiler." Sa technique : tordre les faits Mathias Cardet, 38 ans, l'auteur, n'est pas un total inconnu. Il a écrit un premier essai, "Hooliblack", récit de sa vie de supporter du PSG dans lequel il se décrit comme "noir, patriote, adepte d'ultra violence et supporter du PSG". Ce SDF du hooliganisme a une maison : "Le Parc, c'est chez moi. Ce stade, c'est comme le miroir d'une société aux relents nauséabonds, le reflet d'un communautarisme grandissant, le laboratoire de la banlieue". Changement de banlieue avec cette "Effroyable Imposture" où il se positionne en "repenti", tel un communiste qui a découvert le goulag et effectue son mea culpa. Car Cardet est un "mec de banlieue", il tire sa légitimité d'une longue pa**ion pour cette musique. C'est un "baisé du rap", dont il a**imile l'écoute à la prise de drogues dures conduisant au même type d'addiction. On attend avec impatience "L'Effroyable imposture de la country" (cette musique qui vous pousse à mettre des chapeaux bizarres et à manger des burgers) et "L'Effroyable imposture des lasagnes au cheval". Règles d'or du pamphlet : multiplier les locutions compliquées ("contenant black-panthéro-marcusien" en mot compte triple) et tordre les faits pour qu'ils penchent du côté de votre thèse. Un exemple ? Avec plaisir. Évoquant le présence de trois femmes ayant joué un grand rôle dans la diffusion du rap, Cardet trouve le moyen de leur donner le mauvais rôle au prix d'une a**imilation bien crapuleuse avec la pauvre Marie Trintignant, dont on se demande ce qu'elle vient faire dans cette galère. Ce qui donne : "Cette sur-virilisation est en fait née d'une situation sociale castratrice engendrée par l'idéologie de la cla**e à laquelle ces femmes appartiennent. Qui est non s**uelle. Car, évidemment, celles qui s'en prendront plein la gueule seront celles des cla**es inférieures (à une Marie Trintignant près)". Vous avez une heure pour trouver le rapport entre le rap et la victime de Bertrand Cantat, on rama**e les copies après. La donnée éliminatoire : les erreurs grossières Autres gimmicks efficaces : un mot-clé répété comme un mantra (ici "Tartufferie", employé cinq fois), du name dropping élégant (le philosophe Herbert Marcuse, appelé à la rescousse à dix reprises) et une bonne dose de théorie du complot (les liens entre rap et mafia, J. Edgar Hoover en grand ordonnateur de la normalisation révolutionnaire des Noirs américains). Sans oublier, bien sûr, une mise au même niveau d'artistes qui n'ont rien à voir entre eux, comme la superstar b**ba et la kikou lol Amandine Du 38. Pour mieux comprendre, imaginez une "Effroyable imposture du cinéma" qui comparerait "Autant en emporte le vent" avec "Mon curé chez les nudistes", et vous y êtes. Reste l'élément éliminatoire, surtout pour quelqu'un qui prétend venir de la matrice : les erreurs qui tuent. Comme appeler le second album du groupe Wu-Tang Clan "Wu-Chronicles" au lieu de "Forever", et nommer le label historique du gangsta rap "Ruffhouse Records" au lieu de Ruthless Records (trois fois). Allez, la faute d'orthographe à Snoop Dogg (avec un seul G au lieu de deux), c'est cadeau. 180 pages ineptes Bref, on l'aura compris, le livre intelligent pour fustiger les travers du rap reste à écrire. On aura au moins appris que les rappeurs ne sont pas de gauche, qu'ils sont en fait des sales capitalistes et veulent se faire de l'argent. Et que le marketing est au cœur du show business. Il fallait bien 180 pages pour en arriver là. La presse qui roule ne s'y est pas trompé : "Le Figaro" a consacré une longue interview à ce pourfendeur de sauvageons incultes a**oiffés d'euros. On y comprend vite pourquoi Cardet est promis à un grand avenir promotionnel pour son opus à la haine molle. Hélas, le courageux Terminator refuse de se montrer en photo et pa**e à la télé de dos ou dans le noir, comme les délinquants s**uels dans les magazines d'actualité. Exemple de questions du "Figaro" : "Partez-vous du principe qu'il n'y a pas de bon rappeur ?" ou "Pensez-vous que le rap a un effet néfaste sur la société ?". Ceux qui devinent les réponses gagnent un abonnement à l'UMP. La conclusion de l'interview vaut tous les sketches de Dieudonné : "Un conseil pour les jeunes : tournez-vous vers David Guetta. C'est du divertissement et au moins, vous ne danserez pas sur la révolution." Cardet ne doute de rien. C'est même à ça qu'on le reconnaît. "L'Effroyable Imposture Du Rap" de Mathias Cardet, Éditions Blanche/Kontre-Kulture (Le 21 février)