Faut-il être fou pour avoir aimé les rides d'un vieil Espagnol? Être fou pour avoir frémi aux pleurs d'une gitane aveugle? Être fou pour avoir bondi aux poings brandis d'un vieux Quichotte? Ici quinze cents sacrés cœurs mauresques et le drapeau de Charles Quint Montent pour me clouer les yeux au mur d'un couvent andalou Chez moi il y a des fontaines lourdes et des pommes d'après saison Quinze gamins en mal de rêve y viennent sourdre des chansons Chez moi de jambes folles vont les filles au long des matins de chardon Prier Sainte Anne en ses chapelles en sa rose et bouquets d'ajoncs Chez moi toutes les filles s'appellent Anne et elles ont toutes seins blancs Cuisses lourdes et hanches vastes, j'y menais rêver mes troupeaux Chez moi j'ai quatre amis, quatre poètes: Pierre, Jacques, Yves et Joël Pierre, Jacques, Yves et Joël, oh, ne m'ayez pas oublié N'ayez pas oublié nos filles, nos fredaines et nos chansons Ici, derrière un vieux muret de pierres, j'attends la mort dans un sommeil Peuplé du lait de femmes blanches au froid d'un marbre horizontal La nuit, la nuit sur mon fusil de pierre je mords des chevaux andalous Je blesse au vagin des gitanes, j'embra**e des épagneuls roux Et de tendres gazelles blanches, et je brûle des orangers Ici il y a un gamin timide avec des tulles de princesses Qui brûle mes Républicains Dernier matin de ma jeunesse Déchirée de viol et de sang La mort s'en vient, matin blafard Dix-huit nuits m'ont amené là Dix-huit rêves pour y venir Dix-huit rêves pour y mourir Je pense à toutes mes années Je pense à toutes mes gazelles Mes gazelles abandonnées Pierre, Jacque, Yves et Joël Nous nous sommes bien oubliés Voici la Garce qui s'en vient et j'ai l'éternité pour moi Pour une chanson dans le sol où l'amour est enfin réel