Ne les réveillez pas Ils sont dans leur sommeil Comme de petits ufs Comme de jeunes abeilles De simples arbrisseaux Poussant près des fontaines D'où naissent toutes les eaux Toutes les rivières idem Ne les réveillez pas Ils sont dans leur sommeil Un ongle de mica Et la lèvre vermeil Tandis qu'au-dessus d'eux Une forme attentive Songe aux instants d'avant Où elle était pareille Elle était semblable Rangée sous une table Haute comme une chaise Petit meuble bancal Ne les réveillez pas Ils sont dans leur sommeil Ce songe est indolore Qui conduit là-bas On en a vu des équipages S'endormir, s'endormir S'endormir comme ça Ne les réveillez pas Ils sont dans leur sommeil Comme de petits soldats Raisins sur une treille Qu'on ne cueillera pas Au milieu des vallons Et des vallées sans nombre Regardez-les dans l'ombre De jouets insignifiants Dans la chambre lilas Ne les réveillez pas Ils sont dans leur sommeil Ce songe est indolore J'ai refermé la porte De ce monde-ci Afin que rien ne sorte Comme d'un petit enclos Au flanc d'une colline Où les choses poussent Pour se couvrir bientôt D'une toison rousse Lorsque l'automne est là Ne les réveillez pas Ils sont dans leur sommeil Ce songe est indolore Qui conduit là-bas J'ai refermé la porte Ne me demandez pas Si cette chambre existe Si elle n'existe pas Comme une place forte Tandis que j'ai marché Dans la chambre lilas Ne les réveillez pas Le reste est sans objet Ce songe est indolore