C'est le premier matin du monde.
Comme une fleur confuse exhalée de la nuit,
Au souffle nouveau qui se lève des ondes,
Un jardin bleu s'épanouit, s'épanouit.
En vous, étincelles,
À la cime des bois,
Que je suis éternelle,
Et que je vois.
Ô mer profonde,
C'est en toi que mon sang
Renaît vague blonde,
En flot dansant.
C'est le premier matin du monde.
Ouvrant à la clarté ses doux et vagues yeux,
La jeune et divine Ève
S'est éveillée de Dieu, éveillée de Dieu.
C'est le premier matin du monde.
Comme une fleur confuse exhalée de la nuit,
Au souffle nouveau qui se lève des ondes,
Un jardin bleu s'épanouit.
Et le monde à ses pieds s'étend comme un beau rêve.
Or Dieu lui dit: Va, fille humaine,
Et donne à tous les êtres
Que j'ai créés, une parole de tes lèvres,
Un son pour les connaître.
Comme elle chante
Dans ma voix,
L'âme longtemps murmurante
Des fontaines et des bois!
En vous, étincelles,
À la cime des bois,
Que je suis éternelle,
Et que je vois.
Roses ardentes
Dans l'immobile nuit,
C'est en vous que je chante,
Et que je suis.
Quelle merveille en nous à cette heure!
Des paroles depuis des âges endormies
En des sons, en des fleurs,
Sur mes lèvres enfin prennent vie.
C'est en toi, force suprême,
Soleil radieux,
Que mon âme elle-même
Atteint son dieu!
Depuis que mon souffle a dit leur chanson,
Depuis que ma voix les a créées
Quel silence heureux et profond
Naît de leurs âmes allégées!