Électre sort du palais et revient sur la scène. (v.1398)
ÉLECTRE:
Ô femmes bien-aimées, nos hommes vont agir,
Et terminer leur œuvre : aussi, ne dites rien !
LE CORYPHÉE:
À propos, que font-ils ?
ÉLECTRE:
Elle est en train d'orner
Le vase funéraire, et ils sont là, près d'elle.
LE CORYPHÉE:
Pourquoi es-tu sortie d'un coup ?
ÉLECTRE:
Je fais le guet
Pour qu'Égisthe, en rentrant, ne les surprenne pas.
VOIX DE CLYTEMNESTRE:
Horreur ! Aucun ami... Non, que des a**a**ins !
ÉLECTRE:
On crie dans le palais ! Entendez-vous, amies !
CHŒUR:
J'entends des cris affreux, j'en frémis d'horreur !
VOIX DE CLYTEMNESTRE:
Malheur ! malheur ! Égisthe ! Mais où es-tu donc ?
ÉLECTRE:
Vois ! des cris encor !
VOIX DE CLYTEMNESTRE:
Mon fils ! mon fils ! pitié
Pour ta mère !
ÉLECTRE:
Pitié ? En avais-tu pour lui,
Et pour le père à qui tu donnas cet enfant ?
CHŒUR:
Ô cité ! Ô race infortunée !'
Dorénavant, la fatalité
Qui fut ton lot,
S'évanouit, s'évanouit...
VOIX DE CLYTEMNESTRE:
Malheur ! Il m'a frappée !
ÉLECTRE:
Courage ! Encore un coup !
VOIX DE CLYTEMNESTRE:
Il m'a frappée encore !
ÉLECTRE:
Ah ! s'il frappait Égisthe !
CHŒUR:
Les prédictions s'accomplissent ! Ils vivent,
Les défunts, ils se remboursent
Avec le sang de leurs a**a**ins, eux qui sont morts !
LE CORYPHÉE:
Ils viennent jusqu'à nous, leurs mains tout ruisselant
De ce sang déversé pour Arès, mais c'est juste !
ÉLECTRE:
Oreste, qu'en est-il donc ?
ORESTE:
Tout est pour le mieux
Au palais, si Phébos a bien prophétisé.
ÉLECTRE:
La scélérate est morte ?
ORESTE:
N'aie crainte désormais
Son orgueil maternel ne sévira plus guère !
ÉLECTRE:
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ORESTE:
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LE CORYPHÉE:
Taisez-vous, il me semble
Voir Égisthe... en effet, c'est bien lui qui arrive.
ORESTE:
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ÉLECTRE:
Mes frères bien-aimés, mettez-vous à l'écart !
ORESTE:
Lui ? Où le voyez-vous ? Enfin, nous le tenons.
ÉLECTRE:
Il revient du faubourg avec l'humeur légère.
CHŒUR:
Allez vous réfugier sous le vestibule
Sans plus tarder ! Il vous faut désormais,
Après ce premier succès,
Réussir la seconde besogne.
ORESTE:
Pas de crainte, j'agis !
ÉLECTRE:
Mets-toi vite en besogne !
ORESTE:
Oui, je pars tout de suite !
Il rentre ainsi que Pylade dans le palais.
ÉLECTRE:
Et moi, je fais le guet.
CHŒUR:
Il arrive !
Il devrait lui glisser à l'oreille
Quelques paroles doucereuses
Pour que, sans le savoir,
Il se rue
Vers le glaive de son châtiment.
Arrivée d'Égisthe.
ÉGISTHE:
Quelqu'un d'entre vous peut-il me dire où se trouvent
Ces quelques Phocidiens qui nous ont annoncé
Qu'Oreste a été tué dans la folie des chars ?
Oui, je te parle, toi, jadis si insolente,
Car cela te concerne en premier lieu : c'est toi
Et toi seule qui peut m'éclairer sur la chose.
ÉLECTRE:
Oui, je sais tout : comment pourrais-je l'ignorer ?
Comment rester de marbre aux maux de ceux que j'aime ?
ÉGISTHE:
Eh bien alors, où sont ces hommes ? Réponds-moi !
ÉLECTRE:
Au palais. Leur accueil fut des plus agréables...
ÉGISTHE:
C'est donc certain, sa mort a été proclamée.
ÉLECTRE:
Ils l'ont même montrée, dès son annonce faite.
ÉGISTHE:
C'est vrai ? Je peux alors de mes yeux le scruter ?
ÉLECTRE:
Tout à fait, il est là ! Mais quel triste spectacle !
ÉGISTHE:
Pour une fois, toi, que tu me rend heureux !
ÉLECTRE:
Réjouis-toi, ô roi, si vraiment c'est possible !
ÉGISTHE:
J'ordonne qu'on se taise et qu'on ouvre les portes
Aux citoyens d'Argos et à ceux de Mycéniens !
Et si l'un d'eux jadis fondait sur ce garçon
Quelques espoirs biens vains, qu'il renonce en ce jour
À la vue de ce corps, qu'il se soumette à moi,
Ainsi j'éviterai de le punir, sans même
L'obliger par mes soins à entendre raison.
Les portes s'ouvrent : un corps apparaît, voilé, près duquel se tiennent Pylade et Oreste.
ÉLECTRE:
Je me suis résignée, car au fil des années,
J'ai compris qu'il fallait s'accorder au plus fort.
ÉGISTHE:
Par Zeus, sans offenser, ce que je vais trouver,
Est un merveilleux coup du sort ! Mais si le mot
Est trop fort, je me tais. Enlevez-moi ce voile
Qui cache son visage : il faut que ce parent
Reçoive néanmoins l'hommage de mes larmes.
ORESTE:
Enlève-le, toi ! Moi, ce n'est pas mon affaire :
C'est à toi de le voir et d'honorer ce corps.
ÉGISTHE:
Oui, ton conseil est juste et je m'en vais le suivre.
Fais venir Clytemnestre ! Est-elle en son palais ?
ORESTE:
Elle est tout près de toi, ne cherche pas plus loin !
Égisthe lève le voile.
ÉGISTHE:
Mais que vois-je ?
ORESTE:
As-tu peur ? Et la reconnais-tu ?
ÉGISTHE:
Quel est ce traquenard qu'on m'a tendu ? Malheur !
ORESTE:
N'as-tu pas deviné que depuis un moment,
Tu parles à la vie et non pas à la mort ?
ÉGISTHE:
L'énigme se dévoile : Oreste, c'est bien toi ?.
ORESTE:
Pour un si grand devin, tu t'es trompé longtemps !
ÉGISTHE:
Malheur ! je suis perdu ! Encore un mot pourtant !
ÉLECTRE:
Par les dieux, ô mon frère, abrège son discours.
Quand un pareil mortel, enlisé d'infamies
Va mourir, à quoi bon lui offrir un délai ?
Égorge-le ! Après, jette-le en pâture
À ces seuls fossoyeurs qui soient dignes de lui.
Qu'on ne le revoie plus ! Oui, ce n'est qu'à ce prix
Que je ne serai plus accablée de souffrances.
ORESTE:
Allez, vite, entre ici ! Maintenant, l'essentiel
Ce n'est plus de parler, mais de t'éliminer.
ÉGISTHE:
Pourquoi dans ce palais ? Un bel et noble exploit
Ne doit pas être fait en plein cœur des ténèbres.
On dirait que ta main hésite à me tuer ?
ORESTE:
Suffit ! tu n'as plus d'ordre à donner, viens par là !
Tu dois expier au même endroit que notre père.
ÉGISTHE:
Devras-tu ajouter aux malheurs des enfants
De Pélops, un nouveau crime encore ?
ORESTE:
Oui, le tien !
Pour toi, ma prophétie s'avère irrésistible !
ÉGISTHE:
Tu t'arroges un art que ton père ignorait.
ORESTE:
Tu répliques sans cesse et tu traînes en route.
ÉGISTHE:
Conduis-moi.
ORESTE:
Sois devant !
ÉGISTHE:
Crains-tu que je m'enfuis ?
ORESTE:
Non, mais je ne veux pas que tu meures selon
Tes désirs. Car ta mort se doit d'être sinistre.
À ceux qui ont violé la loi, une justice
Immédiate s'impose, et c'est la mort ! Ainsi,
La perfidie n'aurait pas droit d'être profuse.
LE CORYPHÉE:
Descendance d'Atrée, que de longues souffrances
As-tu dû essuyer avant de t'en extraire,
Suivant ta destinée dans un sursaut ultime.