Pour lui c'était toujours le temps
Le temps du pain, le temps de l'eau
Le temps des mêmes oripeaux
Que l'on porte par tous les temps
Au fond du cœur, une chanson
Les deux pieds nus dans des sabots
Et dans ses yeux tout le halo
De ceux qui demandent pardon
Pardon à tous les gens heureux
D'être né tout simple d'esprit
Et de s'en aller sous les ris
Des enfants qui suivent les gueux
Quand ils s'en vont, mangeant leur pain noir
Par les routes ou par les chemins
Depuis la fraîcheur des matins
Et jusqu'à la fraîcheur des soirs
Les chiens gras tiraient sur leur pieu
Rien qu'à l'odeur de ses haillons
Et c'était là le seul frisson
La seule peur du pauvre vieux
Dont l'âge était si incertain
Qu'il semblait que de tous les temps
L'avaient vu pa**er tous les gens
S'en allant quémandant son pain
Ou dormant au creux d'un fossé
Sa tête folle tant tournant
Que l'on trouvait tout étonnant
Que ses cheveux ne soient tressés
Ou tapant son ventre amaigri
Ignorant l'heure des repas
Quand il faisait rire les gars
Qui lui versaient du cidre aigri
Allant sans sentir de mépris
Pour les gens tirés du cordeau
Quand il sortait de son pipeau
Des airs qu'il n'avait pas appris
Et pourtant les gens l'aimaient bien
Avec sa flûte et ses chansons
Son air si doux sous ses haillons
Car il ne leur demandait rien
Car il ne leur demandait rien