Il s'appelait Chotard,
J'allais sur mes dix ans
Devant le tableau noir
J'attendais en tremblant
Et tandis qu'il lisait
Mes multiplications
À travers ses lorgnons
Qui lui pinçaient le nez
Je voyais son regard
S'enflammer, je savais
Qu'au moment de m'a**eoir,
En ouvrant mon cahier
Sur la page rayée
Au-dessous du zéro
Bien rond et souligné
J'allais trouver ces mots :
À refaire ce pensum, à refaire ce devoir
La Sologne n'est pas un affluent de la Loire
À refaire ce trapèze qui ne ressemble à rien
À refaire cette carte du Ba**in Parisien
À refaire, à refaire, à refaire pour demain
Quelle heure est-il pour moi
À l'horloge de la vie ?
Quelle heure est-il pour moi
À l'heure du temps qui fuit ?
L'heure de recommencer ?
-J'en ai l'envie parfois-
L'heure de laisser tomber ?
J'avoue, je ne sais pas
À travers les années
Je vois l'enfant d'hier
Debout, tout à côté
Du terrible magister
Et parcourant les pages
Du livre de ma vie,
J'y retrouve dans la marge
Ces mots toujours écrits :
À refaire cette vie, à refaire ce chemin
À refaire ces amours qui ne menaient à rien
À refaire ces projets, jamais réalisés
À refaire tout ce que tu n'as fait qu'à moitié
À refaire, à refaire, à refaire pour demain
À refaire cette Terre qui tourne de travers
À refaire toutes ces amitiés pa**agères
À refaire ces croisades et ces moulins à vent
À refaire ces montagnes qu'on renverse à vingt ans
À refaire, à refaire, à refaire pour demain
À refaire, à refaire, à refaire !