Le ciel d'acier ce soir a des tons de déroute
Et crache son averse sur les bataillons
Les colonnes en marche martèlent les routes
Convergeant vers l'enfer de la ligne de front
Là-bas pas d'horizon, qu'un étrange brouillard
Qui s'étend et s'élève en colonnes grisâtres
Levées par les shrapnells, trouées du tir des chars
Et c'est là-bas bientôt qu'il va falloir se battre
Baïonnette au canon et la rose au fusil
La fleur de la nation part à la boucherie
Les charges de dragons qu'on donne encore au sabre
Ont la beauté vieillie des anciennes batailles
Le galop des cimiers et les chevaux qui cabrent
Sont réduits à néant par la lourde mitraille
« Sacré-Cœur de Jésus, protégez nos armées ! »
Hurlait un capitaine au bras plein de bandages
Quelle élégante mort pour ce bel officier
Dont l'explosion brutale arracha le visage
Baïonnette au canon et Marseillaise aux lèvres
A l'appel du clairon s'élance la relève
On repart à l'a**aut sous la pluie des mortiers
Jaillissant des tranchées face au feu qui rugit
Le canon couvre la voix des sous-officiers
Qui tombent les premiers sous le tir ennemi
Des balles clouent au sol des malheureux héros
Des éclats d'obus fusent, déchirant les hommes
Ils auront cette boue pour unique tombeau
Et leurs corps piétinés continueront leur somme
Baïonnette au canon, masque à gaz sur la tête
Par vagues les sections vont rejoindre la fête
Ce soir le ciel de braise a des tons de déroute
Et couve de sa flamme la mort de ses fils
L'averse qui s'écrase a levé tous les doutes
On est bien venus là pour le dernier office
Parmi les barbelés, on charge à la grenade
En pensant à ceux qu'on ne reverra jamais
Et quand l'instant d'après, tonne la canonnade
On exhorte déjà les prochains sacrifiés
Baïonnette au canon et la peur dans les tripes
Les fanta**ins s'en vont vers le grand ca**e-pipe
Baïonnette au canon mais sans soldat derrière
Anonyme garçon oublié dans la guerre