J'avais mis ma gabardine Mon melon et mes bottines Pour dîner chez les parents de Marie-Églantine Tout en grimpant l'escalier J'avais le cœur tout chaviré Et je crois bien que j'avais plutôt mauvaise mine C'était en mille neuf cent quatorze La vie s'ouvrait devant moi Je m'en allais plaider ma cause En me répétant tout bas «Pourvu, mon Dieu Pourvu, mon Dieu Pourvu que j' plaise à son papa!» Il n'a pas très bon caract'aïe, aïe, aïe Il se met souvent en col'aïe, aïe, aïe M'avait dit ma Marie-Églantine Il me battait quand j'étais gamine Un paquet, et dans chaque main, aïe, aïe, aïe Je m' disais «Pourvu qu' sa maman Aime bien les tulipes de Hollande Et les truffes au chocolat!» Ce n'est qu'en dix-neuf cent dix-huit
Qu' j'épousai la petite Non par un caprice Mais pour ces raisons étrangères Et lorsqu'en juillet dix-neuf Nous vint un bébé tout neuf Églantine me dit «Il tremblera Comme son père Lorsque vers mille Neuf cent quarante L'avenir resplendira Qu'il s'en ira Faire sa demande En se répétant tout bas "Pourvu, mon Dieu Pourvu, mon Dieu Pourvu que j' plaise à son papa" Il n'a pas très bon caract'aïe, aïe, aïe Il se met souvent en col'aïe, aïe, aïe» Lui dira sa Marie-Églantine En prenant un p'tit air de victime Mais pour lui, le temps des fiançailles, aïe, aïe Durera bien moins que pour moi En quarante, on s'ra loin de la guerre Fais risette à ton papa!