Je vois toujours mon père descendre de ce train de six heures et demi
Sa sacoche râpée sous le bras, vêtu de son vieux manteau gris
Je l'attendais devant la gare, chaque soir, j'avais huit ou neuf ans
J'étais fier de rentrer avec lui, lui marchant et moi en courant
Et, chaque soir, il fallait qu'il raconte cette histoire de gros lot
De l'auto que nous aurions bientôt, sans jamais changer le moindre mot
Et en arrivant en bas de chez nous, il devait dire "Petit, tu vas voir
Un jour, nous rentrerons à bord d'une Trianon cinquante-sept, ivoire"
Les sièges seront en cuir rouge, le plafond se tendra comme un dôme
Et le soleil étincellera dans les enjoliveurs de chrome
Écoute, le moteur ronronne, sous l'énorme capot reluisant
Regarde-moi ce tableau de bord, regarde ces pneus à flancs blancs
Je portais les vêtements de ma sœur ainée et mon père n'avait que ses godillots
Mais quand il m'en parlait comme ça, elle était bien là cette auto
{x2:}
Et je n'avais qu'à fermer les yeux pour grimper à bord et nous voir
Mon père et moi, au volant d'une Trianon cinquante-sept, ivoire
Le jackpot se faisait attendre, mais vint le jour d'une augmentation
Et mon père débarqua vraiment avec une auto d'occasion
Une Aronde rescapée de la ca**e, là il s'était vraiment fait rouler
Le moulin grillé, un tas d' ferraille totalement rouillé
Mais mon père la trouvait a**ez bonne pour lui, elle marchait, que voulez-vous!
Il radinait avec lui-même, pour garder le meilleur pour nous
{x2:}
Nous donner toutes les chances dans la vie et peut-être un jour nous voir
Tout en haut du podium, c'était son luxe, c'était sa Trianon cinquante-sept, ivoire
Il n'en a plus jamais parlé, mais je sais qu'il en a toujours rêvé
Peut-être était-ce un symbole d'une occasion à jamais ratée
Je viens d'en voir une belle à vendre, état neuf et le moteur ronronne
Intérieur cuir rouge, pneus à flancs blancs, et même la radio fonctionne
Mon père est mort il y a quelques années, c'est loupé pour cette fois
Même pour son dernier voyage, il n'y avait qu'un break quatre cent trois
{x2:}
Mais si le ciel existe, je vais bien finir par l'avoir
Car mon père m'y attend pour me prendre à bord d'une Trianon cinquante-sept, ivoire
Trianon cinquante-sept, ivoire {ad lib}