Tous les poilus morts à la guerre
Ayant senti trembler la terre
Au plus profond des entonnoirs
Mornes squelettes sans entrailles
Et revêtus de leur ferraille
Crânes crevés de grands trous noirs
Se sont levés, fantômes blancs
De la sape ou du cimetière
En s'écriant d'un seul élan
"Debout, les morts de la dernière !"
Et de l'Yser aux Dardanelles
L'armée immense et fraternelle
Des enlisés, des engloutis
Dans un bruit de marche macabre
Bruits de tibias, bruits de sabres
D'un même pas sont tous partis
Et sont venus jusqu'à Paris
En scandant d'un rythme en folie
Leur même chant "On nous trahit !
On nous bafoue ! On nous oublie !"
Et s'avançant dans les ténèbres
L'étrange armée au pas funèbre
Vint au Soldat dit l'Inconnu
Arrêtant sa marche enragée
Elle se fit grave et rangée
Et les fantômes blancs et nus
Au cri du Ciel "Morts, en avant !"
Souffles unis, tuèrent la flamme
Et leurs voix clament aux survivants
"Que Dieu vous damne !"