Le pauvre gars, à bout d'efforts
Est descendu vers le vieux port
Sur les quais où sont les navires
Il s'arrête, pris d'un frisson
Puis brusquement franchit le pont
"Cap'taine, j'ai deux mots à vous dire...
Sur votre bateau
Voulez-vous, de grâce
Me faire une place
Comme matelot
J'oublierai, je pense
Aux lointains pays
Les yeux trop jolis
Qui sont ma souffrance
J'oublierai l'amour
Objet de mes fautes
Pour que, tête haute,
Je revienne un jour
De toutes mes peines
Me trouvant payé
Si j'entends chanter
Parfois les sirènes"
Mais l'un après l'autre, les patrons
Sans pitié ont répondu non
Le pauvre gars alors s'arrête
Pourquoi lutter ainsi, pourquoi?
Il fait un long signe de croix
Puis dans les flots soudain se jette
Sur vos grands bateaux
Aux lourdes carènes
Dormez, les cap'taines
Dormez, matelots
La lune se lève
Et c'est le printemps
Poursuivez longtemps
Vos paisibles rêves
Le front couronné
De boue et de ronce
Un être s'enfonce
Dans l'éternité
La nuit est sereine
Dormez bien, dormez
Pour lui vont chanter
Toutes les sirènes