c'est sur vous que retombera le mal causé par ce dommage flagrant. Autour de moi s'en trouve le témoignage : mon bois qui s'est abattu. Celui qui est battu doit porter plainte ; je me plains donc, et à juste titre, car vous m'avez cha**é de ma maison avec la foudre et la pluie. Vous m'avez causé un tort, et maudit soit celui qui s'en réjouit, car vous m'avez livré un tel a**aut dans mon bois et dans mon château, que rien n'eût pu me venir en aide, hommes, armes, ou remparts. Personne n'a été ici en sécurité, dans quelque forteresse qui ait pu exister, qu'elle fût de pierre dure ou de bois. Mais soyez sûr que désormais vous n'obtiendrez de moi ni trêve ni paix. " [Grande miniature comprenant deux scènes : à gauche, le chevalier verse de l'eau sur le perron, à droite, le combat des deux chevaliers devant le château.] A ce mot, nous nous précipitâmes l'un contre l'autre ; nous tenions nos écus attachés au bras, et chacun se couvrit du sien. Le chevalier avait un bon cheval, une lance raide, et il avait sûrement une tête de plus que moi. Ainsi, je me suis retrouvé dans une situation tout à fait catastrophique, car j'étais plus petit que lui et son cheval était plus puissant que le mien. C'est par le chemin de la vérité, sachez-le bien, que j'avance, pour compenser ma honte. Je lui donnai le coup le plus fort qu'il me fut possible de frapper, sans chercher à l'épargner. Je l'atteignis sur la boucle de l'écu, et j'y mis toute ma puissance, si bien que ma lance vola en éclats, tandis que la sienne était restée intacte, car elle n'était nullement légère. Au contraire, elle était plus pesante, à mon avis,
qu'aucune lance de chevalier : je n'en ai jamais vu de plus grosse. Et le chevalier m'en donna un tel coup que, du cheval, il me précipita au sol, par-delà la croupe, et m'aplatit à terre. Il me laissa humilié et vaincu, sans même m'accorder un seul regard. Il prit mon cheval et, moi, il me laissa ; puis il s'en retourna sur ses pas. Et moi, qui ne savais pas où j'en étais, je restai plein d'angoisse, absorbé dans mes pensées. Je m'a**is à côté de la fontaine un moment, pour me reposer. Je n'osai pas suivre le chevalier, car j'aurais craint de faire une folie. Et même si j'avais décidé d'aller à sa poursuite, je ne savais pas ce qu'il était devenu. A la fin, il me vint le désir de tenir la promesse que j'avais faite à mon hôte et de revenir en pa**ant par chez lui. Ainsi il me plut de faire, ainsi je fis. Mais d'abord j'enlevai toutes mes armes pour cheminer plus légèrement ; je m'en retournai donc couvert de honte. En arrivant à mon gîte, la nuit, je trouvai mon hôte exactement le même, aussi gai, aussi joyeux que je l'avais trouvé auparavant ; je ne pouvais rien détecter, ni chez sa fille, ni chez lui, qui indiquât qu'ils fussent moins heureux de me voir, ou qu'ils m'accorda**ent moins d'honneur qu'ils ne l'avaient fait l'autre nuit. Tous les habitants de la maison me manifestèrent - ils disaient qu'à leur connaissance, et d'après tout ce qu'ils avaient entendu dire, aucun homme ne s'était jamais échappé de l'endroit d'où j'étais revenu, sans être saisi et emprisonné. Ainsi j'allai, ainsi je revins, et au retour je me tins pour fou.