L'oiseau oisif que je suis a fait de son lit le nid
D'où j'annonce aux feignants fidèles la bonne nouvelle
Elle est tombée d'une branche hier comme un fruit:
Il est né le divin divan, débranchez les réveils!
Moi qui croyais comme tout le monde que le travail c'est la santé,
Je milite aujourd'hui au parti du moindre effort,
Je crie «Liberté, farniente, immobilité!»
J'ai remplacé le poil de ma main par un sycomore.
Pour vivre heureux, vivons couchés
sur le dos, allongés, prolongez…
cloué au pieu par le poids du bois qui pousse dans ma paume
Je donne des signes extérieurs de paresse,
En repoussant toujours tout au lendemain, je chante, je chôme
J'applique à la lettre la méthode couette,
À Dijon où j'avais mené la guerre à la flemme,
J'aimais entendre l'adjudant m'hurler dans les oreilles: «Repos!»
Dix mois pa**és dans une base aérienne
Pour apprendre à faire un hamac avec le drapeau!
Pour vivre heureux, vivons couchés
sur le dos, allongés, méditez…
Quand malgré tout, j'arrive encore à me lever,
À faire un dernier effort pour aller travailler,
Le Dieu des songes, fils du sommeil et de la nuit
Se penche à mon oreille et me dit:
«C'est moi, Morphée, ton mentor attitré,
À toi le descendant du bienheureux Alexandre,
Je suis descendu des cieux pour te mettre la puce à l'oreiller
Car tout vient à point à qui sait se détendre.»
C'est vrai, j'ai vécu longtemps comme un mouton dans la honte,
À ne pas produire a**ez, à me laisser aller.
Mais aujourd'hui, les moutons c'est moi qui les compte
Et les stakhanovistes je les laissent râler.
Pour vivre heureux, vivons couchés
sur le dos, allongés, prolongez…
Pour vivre heureux, vivons couchés
sur le dos, allongés, l'apogée!