Corentin Boissier, Le nouveau romantique
Il habite à La Défense, éloge du béton, mais crée, touche par touche, une nouvelle musique cla**ique romantique. Corentin Boissier a toujours voulu être compositeur. Par chance, son père, qui est écrivain, n'était pas contre. C'est même lui qui lui a fait écouter, dès sa deuxième année, une heure de musique cla**ique par jour. À quatre ans, debout devant le poste de télé, il dirige le « Sacre du Printemps ». Cela convainc ses parents de lui offrir un piano. À six ans, il fait ses premières tentatives de « composition ». Son père enregistre tout ce qu'il compose ou improvise. C'est décidé, l'enfant prodige sera compositeur. Adolescent, il découvre ce que la musique orchestrale a de meilleur et décide de son propre chef de se diriger vers la musique post-romantique, sur les pas de Samuel Barber et John Williams. Sans concession
« De nos jours, c'est suicidaire, à 19 ans, de vouloir composer de la musique cla**ique. C'est comme si ma génération était sourde à tout ce qui vient du cœur ou de l'âme. Elle n'entend que le bruit et y répond par la violence », constate-t-il. Il consacre chaque jour l'essentiel de son temps à sa mission, la musique. Il aurait pu se destiner aux échecs, où il excellait aussi, mais la composition l'a happé. À douze ans, il découvre Finale, un logiciel de partition, et ne s'en sépare plus. Thierry Escaich écoute ses premières compositions et convainc ses parents de le faire étudier au Conservatoire supérieur de Paris. Dans cet épicentre de la musique expérimentale, le très jeune Corentin cache ses partitions romantiques à ses professeurs pour réussir les concours, mais entre en relation, sur Internet, avec des spécialistes et des collectionneurs de la musique orchestrale des deux derniers siècles.
En 2010, il créé ses chaînes YouTube « collectionCB ». Il y a déjà présenté plus de 1 400 œuvres post-romantiques inconnues. Il a vérifié, au fur et à mesure de ses recherches, que la musique mondiale du XXe avait été fondamentalement romantique, alors qu'on l'imagine expérimentale. « Schönberg, Ligeti et Bartók sont une minuscule part de la musique de ce siècle, où 98 % de la production mondiale, notamment en Russie, en Chine, au Japon et en Europe centrale, a été post-romantique », pense Corentin.
Une centaine de youtubers publie des milliers de vidéos chaque jour pour aider les internautes à aimer la musique cla**ique et changer l'opinion que certains s'en font. Corentin défend plus particulièrement une « musique de sentiments », euphorisante, qui se retrouve dans ses compositions : « The Phantom of the Opera », « Pa**ionately Yours », « Casanova Concertino Capriccioso », « Glamour Concerto », « Preludes to Travel », « Victor Hugo in Love, sonata romantica »...
L'élitisme pour tous
Corentin Boissier voit la musique cla**ique comme une musique « bio », utile pour l'âme, le cœur et l'esprit, l'opposant à des « produits musicaux industriels » procédant d'un conditionnement éloignant du cla**ique les jeunes générations. Sur les 4 000 abonnés à ses chaînes YouTube, trop peu de jeunes, selon Corentin : « la nouvelle génération refuse systématiquement la musique cla**ique car elle rejette la hiérarchie des valeurs. » Pour lui, « Internet est le seul pouvoir dont disposent les gens pour freiner l'abrutissement général. Quand je fais connaître une œuvre inconnue, je fais un acte politique. Je travaille pour l'avenir de ma génération, mais je suis désespéré par la léthargie des gens.» Un pessimiste actif en quelque sorte, qui semble ne pas avoir d'âge tellement il est iconoclaste et insaisissable.
À peine majeur, mais compositeur en pa**e d'être reconnu, Corentin Boissier se demande s'il peut faire une carrière de compositeur cla**ique romantique en France, ou s'il doit partir aux États-Unis. En combattant le prêt-à-écouter industriel autant que la musique expérimentale, il veut défendre « une musique qui nous sauverait de la barbarie ». Un romantisme qui fait plaisir à entendre.