La France a peur. Ou du moins joue à se faire peur. Depuis dimanche, jour d'élection municipale qui a vu l'émergence d'une troisième force politique, elle est comme figée. Son personnel politique est encore sous le choc. Personne ou presque n'avait prévu que des villes atterriraient dans l'escarcelle du Front National. Presque, car il y en a bien un que ça n'a pas surpris, et pour cause, il l'avait prédit dans son livre. Octave Nitkowski, étudiant de 17 ans, en rigolerait presque. Devenu « l'expert du FN » pour de nombreux journalistes, il distille ici et là son an*lyse tirée de sa propre expérience, son territoire, Hénin-Beaumont. Cette ville, véritable laboratoire pour le nouveau Front National de Marine Le Pen, offre un prisme inédit pour décrypter les mutations de la vie politique française. Authentique Le destin d'Octave est lié à celui du FN, et ce depuis qu'il a décidé de couvrir l'actualité politique de sa région, mais aussi d'en faire des livres. L'histoire commence très tôt, comme souvent avec lui. Alors qu'il est encore au lycée, ce mordu de politique et de presse se met à chroniquer le choc des titans qui prend place dans sa région : le duel Mélenchon / Le Pen aux législatives. Il se rappelle : « À l'époque, on me considérait pas trop, les journalistes me poussaient dans les meetings. » Mais tout cela va très vite changer. Mué par la volonté de s'extirper du tumulte médiatique qu'a créé cet affrontement, le jeune franc-tireur se promet d'offrir une information sincère et authentique. C'est lui qui révélera avant tout le monde l'affaire du faux tract en arabe de Mélenchon, tract diffusé par des militants FN. Et c'est bien cette authenticité qui séduira Libération, qui lui proposera, au lendemain des législatives, de tenir un blog sur les visages qui composent la ville de Hénin-Beaumont. On y retrouve alors le portrait du curé, d'une ouvrière licenciée, du boucher, etc. « L'idée, c'était, pa**é la tempête médiatique, de continuer à s'intéresser aux gens qui font la vie de cette région, de donner une image différente », renchérit-il. On sent chez le jeune Octave un véritable attachement à sa terre natale, « une terre de traumatismes », ajoute-t-il, lui, le petit-fils de mineur polonais. Prendre son temps L'itinéraire d'Octave est fait de politique et de presse. À 7 ans, il s'amuse avec son frère à créer une démocratie Playmobil. La vérité sort de la bouche des enfants, paraît-il… Surtout, la famille Nitkowski lit le Canard Enchaîné depuis 2 générations. On comprend mieux. « Mon grand-père polonais a appris le français avec le Canard Enchaîné ; c'est une tradition familiale depuis », renchérit-il. En laissant traîner le journal sur la table de la cuisine, ses parents ne s'attendaient probablement pas à ce que le jeune fils s'en empare et le lise chaque semaine. Depuis, il a considérablement étoffé sa collection d'abonnements. Définitivement attaché au papier, une exception, il avoue même constituer des archives, pour pouvoir mieux s'y replonger une fois l'événement pa**é. De quoi balayer l'image d'un garçon pressé. Son meilleur ennemi Depuis, le jeune pa**ionné a poursuivi son chemin. On le retrouve désormais entre Sciences Po et la Sorbonne. Et, encore une fois, le revoilà à partager la une avec le FN. En cause, cette fois-ci, son livre La France perd le Nord, le premier volet d'une trilogie prenant le Nord-Pas-de-Calais comme le nouveau référentiel politique français. La veille de sa parution, le parti d'extrême droite a réussi à le faire interdire, fait très rare. En exposant la vie privée d'un cadre du FN, Steeve Briois, devenu depuis dimanche maire de Hénin-Beaumont, Octave ne s'est donc pas fait que des amis. « Tout ce que je recherche, c'est rendre compte de réalités et exposer des faits », clame-t-il. Par ailleurs, la révélation ne tient que sur quelques lignes : « il y a plus de choses à lire dans mon livre », soupire-t-il. Ce serait presque un mal pour un bien, finalement, puisqu'il a indéniablement changé de statut depuis. Maintenant, on l'écoute. « Ce qui est intéressant avec toutes ces histoires, c'est qu'on ne m'a jamais renvoyé mon âge à la figure », observe-t-il. Selon lui, on peut faire bouger les lignes tout en étant jeune. La jeunesse, venons-y. La tentation du vote FN est de plus en plus grande. Il développe : « les jeunes sont de plus en plus décomplexés vis-à-vis du Front National, puisque la plupart n'ont connu que la nouvelle version du parti.» Il explique aussi cette tendance par l'obsolescence des partis traditionnels, dont le logiciel de pensée est le même depuis 30 ans. « Ils ont une grande part de responsabilité dans le vote FN », a**ène-t-il. Octave plaide pour l'arrivée d'une nouvelle génération, pour que l'offre politique soit enfin en accord avec la demande.